La cruauté est un produit de notre empathie, et l’absence d’empathie
n’est pas souhaitable non plus, raisonne Binh-Dû en pensant aux génocides. Il a
de ces pensées sombres, il serait bien en peine de concevoir un manuel
d’anti-guerre. Les capsules des paulownias pendent des branches comme des
bombes en attente du moment de vérité ultime. Il y a encore des hommes pour
aimer les pigeons, la plupart d’entre eux ne voient même plus le ciel derrière
l’oiseau. Quant aux promesses d’amour, elles augurent plutôt d’un compagnonnage
opportuniste.
Plus engageant est le rêve de l’amie chère, qui ne rêve bien entendu
que pour elle mais en offre les fruits. Des peintures sont accrochées aux murs,
Binh-Dû leur sourit, leur fait de l’œil, et ce ne sont pas tant les sujets
qu’il honore que les œuvres en tant qu’objets. D’ailleurs ce n’est pas lui qui
cligne, mais une femme inconnue. Pour cette femme, dans son rêve à lui, il
marche sur les mains, il ignore où il dormira la nuit. Elle sera rentrée dans
son pays, les cahiers de doléance seront fermés, vidée la halle d’exposition.
Et l’on repartira à zéro ?