Dans la rame du métro, plus personne ne bouge de son propre chef. En
revanche ça dodeline suivant les à-coups. Qu’est-ce que ça branle.
(Question ? Affirmation !) La moitié des nuques penchées vers le
giron où des doigts s’activent. Vibrations, flashs, images à agrandir, sons à
se ficher dans le conduit auriculaire... À chacun son trip tubulaire. Chacun
son martèlement volontaire – car des coups sont portés, les corps en portent la
trace.
Ceux qui ne consultent pas leur prothèse ne paraissent pas vraiment en
meilleure condition. Une femme au chignon amortisseur fait de mauvais rêves
contre le vitrage. Un Africain épuisé contemple ses chaussures de sécurité.
D’autres inspectent sans plus d’illusion leur reflet ou se carbonisent les
doigts sur les pages d’un journal rempli d’assassinats, de catastrophes
diverses et de bourrage de crâne.
Car quand cela ne cogne pas, cela s’insinue quand même. Les deux adolescentes
en face de Binh-Dû s’aiment d’une amitié peut-être plus profonde que ne le
seront jamais leurs futures vies de couple – où elles se perdront de vue.
Binh-Dû lui-même assiste à l’élévation de son seuil d’intolérance. Bientôt il
sera parfaitement convenu d’exister sans la réalité du ciel et des arbres. On
jettera la clef et on se laissera glisser.