La fête bat son plein, Binh-Dû s’est enfui. Il ne s’attendait pas à
voir son amie, depuis si longtemps disparue, d’un coup réapparaître. D’un coup
assise dos à lui, Binh-Dû n’a pu s’empêcher d’avancer la main pour toucher son
bras nu, signaler sa présence, l’a-t-elle reconnu seulement, se tournant de
profil, ou était-elle trop triste tandis qu’un amant sans doute pérorait à son
côté ? Dans la cuisine un chat fait régner la folie, renversant les
verres, éparpillant les gélules bicolores. Une écharde se plante dans le pied
de Binh-Dû, effrayé, qui cherche ses chaussettes.
Dehors il bruine, et c’est bon de sentir le froid couler des narines,
sa saveur salée suspendue au rebord de la lèvre supérieure. C’est bon d’avoir
les yeux qui pleurent et de ne pouvoir départager les eaux. De la langue, Binh-Dû
inspecte sa mandibule, la face interne des incisives inférieures, comme il n’en
aura plus le loisir en état de squelette. L’une de ses orbites est vide, se
souvient-il, ce qui se vérifie quand il renverse la tête en arrière : il
peut voir en-dedans de son crâne.
Mais quand il se remet d’aplomb, il voit toujours d’un œil, même en fermant le
bon.