Sa peau
rougit contre le mur chaulé, Binh-Dû n’a pas choisi le bon côté de la rue pour
s’asseoir. En face il y a de l’ombre, Viens nous rejoindre, l’invite-t-on. Sauf
que le soleil tourne, d’ici peu les situations s’inverseront. Y a-t-il quelque
chose à décider encore ou, comme sur le pont d’un bateau soumis au roulis,
suffirait-il de s’accrocher ? Vaut-il mieux rester seul ? Le soleil
tourne tellement qu’il vire à la pluie. La tempête se détruit d’elle-même,
brisant les vagues. Sur l’île, les arbres ploient et se rengorgent, il faut
l’imaginer car l’accès est interdit : risque de chutes. Binh-Dû en est
réduit à longer la rive, un gros oreiller sous chaque bras l’aiderait le cas
échéant à flotter. Encore faudrait-il qu’il interprète correctement le code
couleurs, rose pour les femmes qui se couchent sur le côté, bleu pour les hommes
qui dorment à plat. Le choix qu’on lui laisse consisterait à brasser en rond
dans le sens du temps ou à rebours, c’est maigre. Le choix laissé aux
destinataires d’une lettre est de ne pas répondre, se racontent-ils. Ils
n’iront pas bien loin comme cela, ou ils iront sans Binh-Dû qui a toujours son
problème de dos à régler.