Cette année, Binh-Dû s’applique à réfuter d’avance l’hypothèse, au
terme du compte à rebours, de la fin du monde. On verra demain si l’Histoire
lui a donné raison. Mais ces vieilles craintes, vraiment... Il n’a plus six
ans ! Les pots de yoghourt n’explosent pas dans le frigidaire quand minuit
sonne le passage – de la date limite à une innommable durée. Pourtant, il
semblerait que son lecteur de CD ait soudain cessé de fonctionner, au
franchissement de cap devra-t-il n’entendre que cris d’apocalypse défiée et
pétards exaspérés ? A-t-il tout de même intérêt à finir le gâteau ?
Mais jusqu’où reprogrammer l’obsolescence ? S’il reste des historiens
dans les époques futures, ils écriront des thèses condescendantes à ce propos.
Binh-Dû se souvient parfaitement de son premier pyjama, dont il mâchouillait
les manches, et de son pressentiment des ruines. Tous les quarts d’heure,
paraît-il, un éléphant tombe sous les balles d’un braconnier, le temps de sa
gestation un éléphanteau pourrait déplorer l’assassinat de cinquante mille des
siens. Dans la savane soudain l’assassin doute, sa botte sur un girafon : soit épargner les autres... soit retourner l’arme contre lui.