Binh-Dû est
si rapide ! Il regarde le ciel gris, les nuages de pluie, qu’à cela ne
tienne, ses pieds félins ont déjà dévalé la volée de marches extérieures, la
grille ouverte est déjà refermée, et toute une enfilade de rues avalée sans y
penser, au bureau de poste le temps est arrêté. Goutte à goutte les secondes
parcourent leur révolution sur le cadran aux chiffres rouges... Dans la file
d’attente on attend... Certains remplissent des formulaires à une table ronde
qui oblige à écrire penché... D’autres pointent un doigt circonspect sur
l’écran des automates... Le bébé dans sa poussette reste serein bien que Binh-Dû détourne le regard vers la
dame qui colle avec application (comment, sinon ?) un timbre sur une
enveloppe... Il se glisse dans un interstice pour accéder à la machine, poser
son colis sur le plateau, « Vous permettez que je récupère mon
fils ? » demande la dame, « Bien sûr », répond-il comme si
la question en était une, quelle tristesse cette agressivité, se désole-t-il de
retour dans la rue où la pluie se retient encore de l’assaillir, l’épicerie-bazar
brille de mille diodes, Binh-Dû a préparé l’appoint au creux de sa main, ce
qu’il cherche n’est pas en rayon, il ressort, effraie une vieille femme qui sur
le trottoir s’appuie sur sa béquille, « Pardon », se fend-il, et son
sourire d’excuse aussitôt étiré se referme, déjà il a franchi la grille, monté
les marches, retiré ses chaussures. La pluie peut bien tomber sur le toit...