jeudi 6 décembre 2018

6 décembre


Binh-Dû est si rapide ! Il regarde le ciel gris, les nuages de pluie, qu’à cela ne tienne, ses pieds félins ont déjà dévalé la volée de marches extérieures, la grille ouverte est déjà refermée, et toute une enfilade de rues avalée sans y penser, au bureau de poste le temps est arrêté. Goutte à goutte les secondes parcourent leur révolution sur le cadran aux chiffres rouges... Dans la file d’attente on attend... Certains remplissent des formulaires à une table ronde qui oblige à écrire penché... D’autres pointent un doigt circonspect sur l’écran des automates... Le bébé dans sa poussette reste serein bien que Binh-Dû détourne le regard vers la dame qui colle avec application (comment, sinon ?) un timbre sur une enveloppe... Il se glisse dans un interstice pour accéder à la machine, poser son colis sur le plateau, « Vous permettez que je récupère mon fils ? » demande la dame, « Bien sûr », répond-il comme si la question en était une, quelle tristesse cette agressivité, se désole-t-il de retour dans la rue où la pluie se retient encore de l’assaillir, l’épicerie-bazar brille de mille diodes, Binh-Dû a préparé l’appoint au creux de sa main, ce qu’il cherche n’est pas en rayon, il ressort, effraie une vieille femme qui sur le trottoir s’appuie sur sa béquille, « Pardon », se fend-il, et son sourire d’excuse aussitôt étiré se referme, déjà il a franchi la grille, monté les marches, retiré ses chaussures. La pluie peut bien tomber sur le toit...