Un jour de
colère dérisoire comme les autres. Au lavomatic, Binh-Dû prend le parti de deux
jeunes Noirs qui n’osaient pas vider une machine faite, alors que le
propriétaire du linge, blanc certainement, buvait un café, une bière, un calva
au café du coin sans se soucier d’emmerder le monde. S’il avait pointé sa
fraise, celui-là, et s’était avisé de protester, Binh-Dû lui aurait dit ses
quatre vérités. Une demi-heure plus tard, revenant du café où il était allé
s’en jeter un petit, Binh-Dû en mode clignotant peste contre les deux Noirs qui
attendent la fin du cycle dans une caisse diesel au moteur allumé. S’il était
flic il leur flanquerait un contrôle antipollution au cul, ça leur apprendrait
à vouloir se réchauffer. Et s’il tenait ces jean-foutre de la météo, il leur
ferait passer un mauvais quart d’heure pour continuer à prétendre qu’il n’y a
« pas de précipitations », la bruine qui va empêcher son linge de
sécher sur le balcon, elle ne mouille pas, peut-être ? Les gens sont des cons
de toute façon, même les amis de Binh-Dû qui ne répondent pas à ses mails, qui
laissent traîner, qui font semblant de ne pas voir qu’il y a une question, ou
du moins une demande, farcissez-vous donc vos dindes aux marrons et laissez-moi
crever, merci. Reste encore à Binh-Dû à écrire une lettre ravageuse, car s’il y
a une chose qu’il ne supporte pas c’est l’hypocrisie, le mensonge, la
malveillance, l’abus de pouvoir, ça fait quatre choses et il y en aurait
sûrement une cinquième et une sixième et... Et il s’agit d’être concis et
pondéré. Il a trop mal, tout le temps, pas moyen de se caler le dos avec des
coussins, et nul alcool n’est assez fort pour assommer la douleur. Dans
la rue un type tape avec son parapluie sur le mobilier urbain, de temps en
temps il pousse un cri, ou un éclat de rire. Il n’en finira pas avant d’avoir
cassé le parapluie. Non mais quel taré ! Joyeux Noël.