mercredi 19 décembre 2018

19 décembre


Binh-Dû est aux prises avec la douleur, il en pleurerait. Non pas de la douleur en soi, qui ne l’empêche pas de respirer, mais du désespoir lié au retour de la douleur. Il pourrait se réjouir de respirer. Le peut-il ? Et s’il raconte son échec à prendre sa douleur en bonne part, est-ce aveu, constat, appel ? Alors qu’il voudrait se coucher sur le flanc, il écoute plutôt, calé en tailleur, la musique sereine et sacrée d’un père foudroyé il y a peu. Puis il regarde un film dans lequel un garçon tout juste orphelin de mère découvre que son père, qu’il croyait vivant quelque part, est décédé.
Le père de Binh-Dû est probablement mort lui aussi, pas de quoi en créer un système. Attachée à un poteau de clôture en lisière de forêt une ribambelle d’animaux se débat. Ils s’épuisent à tenter de sortir du piège, les lapins, les chevreuils, les renards. Ils n’y arriveront pas tout seuls, Binh-Dû sort son couteau. Derrière lui un rugissement de lion soudain l’effraie, à toutes jambes il s’éloigne. Sans savoir si les animaux piégés étaient offrande ou leurre ou si lui-même était la proie. Un jogger lui donne une légère tape sur l’épaule en le dépassant, est-ce encourageant ?

[Hommage à Luis Pedro Fonseca]