lundi 17 décembre 2018

17 décembre


Binh-Dû voudrait plus qu’il ne veut bien l’admettre. Quand il marche le long d’une autoroute et qu’il lui semble, à observer la position du soleil, avoir manqué une bifurcation, il ne continue pas d’avancer sans remord. Les peintres moralistes parleraient même de repentir, mais ils disposaient de toute une batterie d’instruments poilus ou non pour rectifier les apparences d’une réalité. Binh-Dû quant à lui se retourne du côté où une femme sans doute lui a été ôtée, cela le meurtrit comme un membre fantôme, où s’en est-elle allée ? Il peut aussi reprendre son vol par-dessus les cratères, libérer qui de droit sur une île perdue, faire flèche de tout bois et ne rien sentir sous les coups de glaive. La barrière du péage se lève pourvu qu’on lui donne une légère impulsion, sinon il y a toujours moyen de la contourner. Aucune réalité n’est fiable. Telle est la grandeur du dérisoire, un jour c’est à nouveau la fin de l’été, la veille on entrait dans le cœur de l’hiver. Binh-Dû ajoute un bâton après l’autre, liés par fagots de cinq, espérons qu’il aura toujours la vigueur de craquer une allumette. Ses jambes à terre comme des branches mortes, le cou tendu vers la hache. Sur la table, un gâteau aux saveurs d’écorces et d’amandes invite à la joie.