Prenons une échalote, n’est-elle qu’un condiment ? Le vrai sujet
traiterait de la générosité, de la progressivité des apprentissages, de la mise
en valeur des diversités, ce genre de choses. Dans la vapeur exhalée par les
cerveaux se dessinerait une imposante architecture conceptuelle, avec ce qu’il
faut toutefois d’émotions douces. Les sourires ouvriraient des lucarnes sur le
ciel, il y aurait un feu de bois dans la cheminée, et du thé bien sûr, des
tasses et des tasses, accompagné de pâtisseries exquises. Et une échalote.
Vulgaire, même, à sa pelure externe collerait encore un prix, en
chiffre et en code barre. Mais si l’échalote était comme le mouton divin – le
mouton indistinct du troupeau où se dissimulerait Dieu ? Si l’échalote
était un fruit, poussant sur l’arbre de la connaissance – et on croquerait une
tomate en dessert. Si la force de l’échalote venait de ce que l’équilibre
secret du monde reposerait sur elle, pauvres de nous. Binh-Dû s’en mord la
langue. Moins il parlera, moins il dira de bêtises. Moins il s’éloignera du
vrai sujet.