Tombe la jalousie sur un coin de la tête, de même que bascule sur le
côté la peluche qui semblait bien assise. Oh, tous ces sourires d’enfants, plus
ou moins crispés face à l’objectif... Seuls les parents ont le droit de jouer
avec le cadre, sortir en se courbant, revenir effacer un pli malencontreux,
rectifier la pose. Ou le photographe qui se prévaut d’une couarde innocence, si
ce n’est complicité. Un jour – et ce jour arrive – les couleurs auront passé
dans la succession de destinées sinistres, l’innocence exposée inspirera de la
pitié.
Mais Binh-Dû sait-il vraiment de quoi il parle ? La nuit, un arbre
se dresse d’entre les ressorts du matelas, un poirier lui garantissant qu’il
continue à avoir soif et trouvera au réveil de quoi se désaltérer. Le jour, une
paire de seins fermes tend le tissu d’un chemisier de soie. Et il y a la
tendresse aussi, n’en déplaise aux esprits forts. Ce qu’il sait, c’est qu’il
n’est pas à l’abri de regretter d’être lui-même et non un autre, plus chanceux,
plus méritant, mieux paisible. Il n’a pas assimilé toutes les façons de se
réjouir. Un bouc lui pousse au menton.