À côté de la
caisse enregistreuse, dans un petit panier d’osier tapissé d’un mouchoir à
carreaux, une vingtaine de sachets semblent à la disposition des clients. Pas
de prix affiché, Binh-Dû était entré pour acheter un croissant, mais curieux il
se rapproche, lit ce qui est inscrit sur l’emballage. Dans un angle du plafond,
la caméra de surveillance ne bronche pas. Il hésite, repose le sachet, regarde
autour de lui : personne. Il tend la main à nouveau, enfin se décide,
c’est non. Bien que la chose soit ingénieuse, « Billes synthétiques à
écraser en cas d’agression terroriste, comprimer le sachet sous le nez. Effet neutralisant
immédiat. Ne nuit pas à l’environnement. » De retour dans la rue, Binh-Dû
est soulagé d’avoir fait le bon choix, c’est la vieille histoire du marteau
dont la seule présence remplit l’univers de clous. Il ne veut pas vivre un
marteau à la main. Les ruelles sont pavées de touristes, il y a un raccourci
par là, suffit d’enjamber le ru. Puis de se dépêtrer des ronces. Il retire ses
lunettes de soleil, ce ne sont pas des ronces mais des barbelés, heureusement
il maîtrise la technique. Cela prend un peu de temps, toutefois il n’a pas besoin d’un
sécateur ni d’une pince coupante. Il n’a pas besoin d’une voiture dotée d’un klaxon. Il n’a pas besoin d’un smartphone. Il n’a pas
besoin d’une amoureuse ni d’un guide pour admirer les pierres de taille et les
façades inclinées qui réduisent le ciel à une perspective sublime et
renversante.