Il n’y en a plus pour longtemps maintenant,
affirme la secrétaire, et les patients hésitent entre soulagement et
inquiétude. Chacun dans sa bulle problématique. Au-dehors les voitures se
garent sur le parking à mesure que d’autres laissent la place. Comme une
survivance d’un monde ancien qu’on ne regrettera pas, dans le futur on pourra
passer toute sa vie dans son module polystationnaire, le canapé sera compris
dans le forfait générationnel, et le fauteuil connecté évolutif à mémoire de
forme sera un bien inaliénable sauf déchéance de niveau 5. Le premier arrivé
retient une terrible envie de faire pipi, il se lève d’un coup lorsque la porte
s’ouvre. Ce n’est pas l’arthrite qui l’amène ici, déduit Binh-Dû, sans en
induire un éventuel souci de vessie. Lui se demande s’il ne va pas plutôt
rentrer dans son cube, quitte à perdre le bénéfice attendu de l’attente. Car au
fond, désire-t-il n’en avoir plus pour longtemps ? Même si le monde ancien
ne remonte pas assez loin, il semble préférable. On courait dans les flaques.
On avait faim. On grimpait sur un talus pour se donner le sentiment de dominer l’avenir.
Une fois, Binh-Dû, confus, avait dû s’excuser pour avoir grignoté une
serviette-éponge. En tout état de cause il aimait davantage le chocolat.