À la table d’à côté, les fêtards ont la bière hurlante. Il va se
calmer, promet l’un d’entre eux au serveur qui vient interposer sa carcasse
imposante entre leur table et celle où Binh-Dû et son amie boivent leur tisane.
Depuis les toilettes on entend un oiseau chantant inlassablement, sans doute
dans une cage à l’intérieur d’une pièce close aux murs d’un rouge sombre,
meublée de fauteuils usés et de banquettes où feignent de s’alanguir des
prostituées chinoises, l’autre bout du couloir mène à un restaurant auvergnat où
cent casseroles concoctent l’aligot au chou farci.
Tu aimes tout de Brassens ? demande la fumeuse au non-fumeur
frigorifié qui l’a accompagnée à l’extérieur, dont le cerveau se contorsionne
pour trouver la réponse adéquate, alors en fait, non, il n’aime pas tout. C’est
plus stylé – de manifester son esprit
critique. Le problème, c’est qu’elle attend des précisions, des titres, des
raisons. Il fait froid, non ? La neige ne va pas tarder à tomber, dès que
les derniers métros auront cessé de circuler. Parfois on est trop gentil,
parfois on est sans pitié. Binh-Dû a failli prendre menthe-verveine, il se sent
fier d’avoir osé la camomille.