Il serait
temps de reprendre les choses en main. Quelles choses, dans quelle main, cela
reste à préciser. Le ciel change à tout moment de couleurs, on peut à peine s’y
fier pour s’orienter à l’ouest. (Sans compter qu’il faudra tout reconsidérer,
passée la nuit censée porter conseil, piètre morale.) Binh-Dû remet deux ou
trois idées en place dans sa caboche, se prévaut d’une sage perspective, il est
prêt. Il remet au lendemain, il sera prêt. Ou peut-être plutôt dans deux
jours ? La nuit il se promène sur les quais tout en grignotant une lame de
cutter. C’est pratique, elle est prédécoupée. Il se souvient de l’histoire de
l’homme qui avait mangé un avion de tourisme, pièce par pièce. Un autre homme
que celui qui tire des trains avec sa mâchoire. Il s’inquiète toutefois, il se
retourne dans son lit, au réveil une douleur le tenaille sous les côtes. On ne
nous apprend pas à apprivoiser la souffrance, alors on se fait mal, fatalement.
(Le second « on » n’est qu’une version découlant du premier
« on », autant les confondre.) Et tel est en grande part le charme de
l’expérience humaine – tu déplores de n’être pas celui ou celle que tu ne peux pas encore être, de n’être pas
au niveau de ta vision, sauf que toute vision est insaisissable. Voudrait se rassurer Binh-Dû.