À force de taper sur la maison en rénovation, ils vont finir par
l’effondrer. Le jardin déjà n’est plus que tas de gravats qu’on aperçoit par la
fenêtre imparfaitement bâchée de la façade ou par la trouée dans le mur du
fond, et que reste-t-il du toit ? Binh-Dû se préoccupe de l’avenir immédiat,
il profite autant que possible d’un lit qui n’est pas le sien, où il a intérêt
à se montrer aimable. Une fournée de pâtisseries a été déposée sur la table
basse, à portée de main, combien de parts de tartelettes aux framboises
pourra-t-il escamoter ?
En toute discrétion, ensuite il s’en ira, rassurant. Il veillera à ne
pas rééditer l’erreur commise la fois d’avant, quand il s’était envolé
par-dessus les voies du métro pour rejoindre plus vite le quai opposé. C’était
manquer d’humilité, on l’avait repéré, il avait dû rester sur ses gardes durant
tout le voyage de crainte qu’on ne le trucide pour s’approprier son don. Quant
à savoir où se rendre... Rien ne presse, puisque le temps n’existe plus.
Binh-Dû emporte ses douleurs avec lui, irrésolues. Tant qu’il avance, ça ira.
Tant qu’il n’accélère pas.